Le changement climatique est sans doute, malgré le scepticisme de certains, un phénomène aussi global que le terrorisme. Aucun continent, pays et secteur d’activité n’est épargné par ce fléau. Les Etats pris individuellement ou de manière collective font des efforts pour surmonter autant faire que se peut les effets du changement climatique. Quoiqu’il en soit, les Etats sont contraints de coopérer face à ce fléau. Les pays en développement sont davantage dans cette dynamique de coopération. La lutte contre les changements climatiques dans les Pays en voie de développement (PED) en général et au Cameroun en particulier est matérialisée par l’implémentation d’un ensemble de projets qui s’inscrivent soit dans le sillage de l’adaptation, soit dans le sillage de l’atténuation ou mixte. Quoiqu’il en soit, il est important de noter que le gouvernement camerounais dans son Plan National d’Adaptation aux Changements Climatiques (PNACC) a défini quatre axes stratégiques pour les actions en faveur du climat :
‣‣Axe stratégique 1 : Améliorer les connaissances sur les changements climatiques ;
‣‣Axe stratégique 2 : Informer, éduquer et mobiliser la population camerounaise pour s’adapter aux changements climatiques ;
‣‣Axe stratégique 3 : Réduire la vulnérabilité aux changements climatiques des principaux secteurs et zones agro-écologiques du pays ;
‣‣Axe stratégique 4 : Intégrer l’adaptation aux changements climatiques dans les stratégies et politiques sectorielles nationales.
Il n’est pas question pour nous ici de faire la litanie de tous les projets climatiques implémentés ou en cours au Cameroun, mais plutôt une brève présentation des projets phares.
- Projet Sahel vert
Dans le cadre du Plan d’Action National de Lutte contre la Désertification au Cameroun, le gouvernement a lancé le projet « Sahel-Vert ». Cette opération consiste à reboiser les espaces dégradés à l’Extrême-Nord du pays. L’initiative qui avait commencé dans les années 70 a repris en 2008. Il a déjà contribué à la restauration des terres dégradées d’une superficie de 32 000 hectares de terre sur 126 sites des départements du Diamaré, du Mayo-Kani, du Mayo-Sava, du Mayo-Danay, du Mayo-Tsanaga et du Logone et Chari, dans la région de l’Extrême-Nord, entre 2008 et 2019[1]. Chaque année et ce depuis 2008, une somme de 1 milliard de FCFA est allouée à cette opération.
- Projet d’électrification par l’énergie photovoltaïque
Le gouvernement camerounais a initié depuis 2016, une campagne d’électrification rurale par le solaire photovoltaïque. Elle a déjà permis à ce jour d’électrifier 350 localités en deux phases, et a franchi le cap de 500 localités éclairées à l’énergie solaire en 2021. Pour cette année 2022, le gouvernement a prévu de lancer la troisième phase de cette opération avec à terme 200 localités électrifiées au solaire. Dans ce projet, le gouvernement s’est attaché les services d’un partenaire technique, la société chinoise Huawei technologies Co Ltd, avec lequel il prévoit d’électrifier 1000 localités grâce au système solaire photovoltaïque. Par ailleurs, la mise en œuvre des deux premières phases a été financée par la Bank of China.
- Projet de production du biogaz à partir des déchets ménagers
Plusieurs études menées par Hysacam, la société de collecte et de traitement des déchets ménagers au Cameroun, ont révélé que les ordures ménagères produites au Cameroun ont une forte teneur en eau et sont constituées à plus de 80 % de matière organique biodégradable. Le concessionnaire, qui assure la collecte et le traitement des déchets ménagers dans 17 villes camerounaises entend également valoriser ces déchets. En février 2020, Hysacam a annoncé le développement de trois projets de production d’électricité dans sa décharge de Nkolfoulou à Yaoundé, PK 10 à Douala et à Bafoussam. Ses projets de centrales électriques généreront une capacité globale de 72 MW.
- Projet Protection des Forêts et Environnement
Le projet soutient la gestion durable et écologique des ressources forestières conformément au principe de la « protection par l’exploitation ». Le projet sélectionne ses partenaires sur la base des propositions de projets soumises dans le cadre d’un concours d’idées. Il accompagne ses partenaires en fournissant une assistance technique, un renforcement des capacités et un appui matériel.
Le projet intervient au niveau gouvernemental et dans quatre régions (Centre, Extrême-Nord, Nord et Est). Le projet est implémenté par le MINEFOF et le MINEPDED avec le concours financier de la GIZ Cameroun. les différentes composantes de ce projet sont ;
Activités pour l’exploitation durable des ressources forestières et de la biodiversité dans les communes: dans les régions concernées, le projet œuvre en collaboration avec les communes à la gestion durable des forêts. L’objectif est que les communes et leurs habitants exploitent leurs forêts à des fins économiques et contribuent dans le même temps à leur conservation, par exemple grâce à l’amélioration des inventaires forestiers, au reboisement et à l’élaboration de plans de gestion à long terme.
Développement de chaînes de valeur pour les produits ligneux et non ligneux au profit de la population locale vulnérable: l’assistance technique et le renforcement des compétences contribuent à la professionnalisation des acteurs des différentes chaînes de valeur. Les chaînes de valeur comprennent l’ensemble des processus, de la production à la distribution. Dans ce contexte, le projet soutient notamment des groupes de femmes par le biais de formations continues ciblées. Les participantes sont formées à la transformation des produits non ligneux, à la conquête des marchés nationaux, à l’application des principes d’entrepreneuriat et à l’utilisation de solutions numériques. En outre, le projet développe les chaînes de valeur du bois et du charbon de bois produits de manière légale et dans le respect de l’environnement.
L’éducation à l’environnement pour valoriser les ressources naturelles, la protection du climat et l’environnement: le projet soutient le Programme national de sensibilisation et d’éducation du ministère de l’Environnement en menant des campagnes d’information. Les initiatives et les associations de protection des forêts, du climat et de la biodiversité ainsi que les informations numériques sur des sujets liés à l’environnement forment le cœur du programme. En outre, le projet promeut la diffusion de fours économes en énergie, une initiative qui fait également l’objet d’une campagne de sensibilisation.
Amélioration des conditions d’ensemble favorisant le dialogue politique et la valorisation des ressources forestières: le projet promeut un cadre juridique et institutionnel complet en vue de garantir une exploitation durable des forêts et de l’environnement. Selon une approche ascendante (de la base vers le sommet), les acteurs locaux, les initiatives et les associations sont encouragés à participer au dialogue politique en faisant part de leur expérience et en présentant leurs intérêts. En outre, les deux ministères techniques sont soutenus dans l’élaboration et la vérification des dispositions légales.
Résultats du projet
Grâce au principe de la « protection par l’exploitation », le projet a trouvé des réponses économiques et sociales pour une conservation des forêts à long terme, respectueuse de l’environnement.
Au cours de la phase précédente du projet, quelque 16 000 femmes vivant en milieu rural ont pu accroître leurs revenus en vendant des produits non ligneux.
En distribuant 173 000 fours économes en énergie et en promouvant le charbon de bois issu des déchets de scieries, le projet a contribué à la réduction de plus de 80 000 tonnes d’émissions de dioxyde de carbone.
L’amélioration de la gestion forestière par les communes a permis d’augmenter de 27,5 % en moyenne les revenus issus des ressources forestières.
Le projet a également contribué à l’élaboration de nombreux modèles techniques et de stratégies politiques.
La phase qui vient de démarrer s’appuie sur cette expérience et diffuse de nombreuses approches. Ce faisant, l’une des priorités est la mise en œuvre de la stratégie visant à restaurer douze millions d’hectares de terres dégradées. En contribuant à l’éducation environnementale et en promouvant les solutions numériques, le projet touche davantage de jeunes.
- Projet « THE RESTORATION INITIATIVE (TRI) » Appui à la restauration des paysages dégradés par l’utilisation durable des espèces locales (bambou et autres PFNL) pour la conservation de la biodiversité, les moyens de subsistance durables et la réduction des émissions au Cameroun.
Le projet a pour objectif d’accompagner la restauration des paysages dégradés pour la conservation de la biodiversité, les moyens de subsistance durables et la réduction des émissions au Cameroun. Il s’agit de l’un des onze projets du Programme Mondial de Restauration des Paysages financé par le FEM. Il vise à contribuer aux efforts mondiaux du Bonn challenge, à la Déclaration de New York sur les forêts, à l’engagement du Cameroun à restaurer 12 millions de terres et paysages dégradés d’ici 2030 dans le cadre de l’initiative de restauration de 100 millions d’hectares de paysages forestiers dégradés en Afrique (AFRI100) et à contribuer à l’effort global de réduction des émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) à hauteur de 32% d’ici 2035.
Sa mise en œuvre au Cameroun est conjointement assurée par le MINEPDED et l’UICN. Il est exécuté par l’Organisation Internationale sur le Bambou et le Rotin (INBAR), en partenariat des OSC au Cameroun, que sont : Cameroon Environmental Watch (CEW), Forêts et Développement Rural (FODER), Cellule d’Appui au Développement local Participatif et Intégré (CADEPI) et Cameroon Wildlife Conservation Society (CWCS). D’autres nouveaux partenaires ont été ajoutés en 2020 : l’Ecole Nationale des Eaux et Forêts (ENEF) de Mbalmayo et le Service de la Conservation du Lac Ossa. Ce projet contribuera à accoître les capacités de production forestière par la régénération, le reboisement et l’agroforesterie, et à renforcer la mise en œuvre de l’ensemble des actions visant à reboiser les zones déboisées, à planter de nouvelles zones, notamment pour limiter les avancées du désert, à créer des zones vertes dans et autour des villes, et à régénérer les forêts exploitées.
- Projet READINESS « Renforcement des capacités du pays pour une augmentation du potentiel de résilience et d’atténuation aux changements climatiques à travers l’agroforesterie dans les régions du Nord et de l’Extrême-Nord Cameroun
Le Gouvernement du Cameroun à travers le MINEPDED et la FAO ont signé en mars 2020, un accord de partenariat pour la mise en œuvre d’un projet Readiness intitulé « Renforcement des capacités du pays pour une augmentation du potentiel de résilience et d’atténuation aux Changements climatiques à travers l’agroforesterie dans les régions du Nord et de l’Extrême-Nord Cameroun ».
Ce projet financé par le Fonds Vert Climat (FVC), vise à apporter un appui aux principales institutions techniques impliquées dans la mise en œuvre des actions de lutte contre les changements climatiques au Cameroun. Il s’agit notamment du MINEPDED, du Ministère de l’Agriculture et du Développement Rural (MINADER), de l’Observatoire National sur les Changements Climatiques (ONACC) et de l’Institut National des Statistiques (INS).
Ce projet Readiness comprend entre autres des activités de renforcement des capacités des institutions techniques impliquées dans la mise en œuvre des actions de lutte contre les changements climatiques au Cameroun. Il s’agit notamment de l’Observatoire National sur les Changements Climatiques (ONACC), en matière d’évaluation d’impacts de changements climatiques et de l’Institut National de la Statistique du Cameroun (INS) pour les aspects liés à la comptabilité physique et monétaire du carbone et des services écosystémiques de la forêt et de l’agriculture. Ce projet va également contribuer au développement d’un système de collecte, de traitement, d’analyse et de suivi des données climatiques et de comptabilisation des émissions de gaz à effet de serre (GES) dans l’agriculture. Enfin, le projet va évaluer les pratiques agroforestières dans la zone sahélienne du Cameroun pour identifier celles qui présentent des avantages et un potentiel probant en adaptation et atténuation des changements climatiques.
- Mise en place d’un système d’observation, de gestion des informations et d’alerte sur les risques climatiques au Cameroun
Ce projet a permis d’améliorer la collectes des données climatiques, météorologiques et hydrologiques et organiser leur diffusion et leur appropriation auprès des acteurs du pays afin qu’ils puissent s’adapter aux changements climatiques. Le système d’observation climatique était en nette dégradation : sur 58 stations météorologiques fonctionnelles, 3 stations seulement fonctionnaient en 2011. Le MINEPDED, avec l’appui du PNUD, a installé 20 nouvelles stations dans le cadre du programme japonais Cool EarthPartnership. Le projet suit son cours avec la collaboration des autres ministères (Ministère des Transports, dans le cadre de la Mise en place d’un système d’observation ; Ministère de l’Administration Territorial, dans gestion de l’alerte.)
- Projet de gestion intégrée de déchets
Il s’agit d’un projet conduit par MINEPDED en vue d’améliorer la gestion durable et participative des déchets pour réduire les impacts négatifs liés aux changements climatiques. Pour y arriver, il faudra mettre en place un système législatif et réglementaire contraignant en matière de traitement, de recyclage ou d’évacuation/élimination des déchets ; renforcer les capacités techniques, financières et organisationnelles des collectivités locales décentralisées et des populations dans le traitement et la gestion des déchets ; développer les techniques de gestion des déchets au niveau communautaire : compostage, recyclage, etc. ; développer les techniques de gestion des déchets industriels et hospitaliers.
Le coût total du projet s’élèverait à environ 10 millions d’euros soit 6 milliards sur une période de cinq ans.
- Réduction de la vulnérabilité de l’élevage aux effets des changements climatiques (REVEECC)
Projet mené conjointement par le MINEPDED et MINEPIA pour améliorer la résilience du secteur de l’élevage face aux effets négatifs des changements climatiques. En clair il s’agit pour ces deux ministères d’appuyer les stations d’élevage devant servir de sites pour générer les intrants et les informations (météorologiques, etc.) devant permettre d’appuyer les éleveurs dans la réduction des effets négatifs liés aux changements climatiques ; d’évaluer et suivre les disponibilités fourragères en zone pastorale et restaurer les zones dégradées par l’introduction d’espèces herbacées ou ligneuses adaptées ; d’intensifier le développement de l’hydraulique pastorale tout en structurant et responsabilisant les communautés pastorales dans la gestion des points d’eau ; de Développer l’intensification de l’élevage intégré en stabulation dans les espaces agro-sylvo-pastoraux ; de Finaliser le code pastoral en cours d’élaboration etc….
- Développement d’une agriculture intégrée et résiliente face aux effets des changements climatiques
Le MINADER par ce projet s’engage avec le l’appui du MINRESI à développer une agriculture intégrée. Ce projet passe par la promotion d’une intensification agricole intégrée durable, faisant recours à l’amélioration du travail du sol et du désherbage, à la fertilisation, à l’utilisation de variétés mieux adaptées et plus productives et à une utilisation rationnelle des sols et tenant compte du traitement des déchets dans les zones agro-sylvo-pastorales dans les zones périodiquement déficitaires en eau ; le soutien et la vulgarisation de la recherche des variétés (semences, rejets, etc.) les mieux adaptées aux conditions climatiques des différentes zones agro écologiques et, aux maladies des cultures ; la promotion de l’irrigation, le recours à la gestion concertée de l’eau dans les bas-fonds et dans les bassins-versants ainsi que le développement des techniques de conservation de l’eau pour prolonger les campagnes agricoles ; la promotion d’une amélioration durable de la sécurité alimentaire par le développement des moyens de conservation des produits agricoles et la mise en place des unités de transformation de ces produits ; le désenclavement des bassins de production pour permettre l’accès au marché et le soutien de l’agriculture périurbaine.
Le financement du projet se serait appuyé sur les fonds propres du MINADER et du MINEPIA, des prêts des banques agricoles, des fonds de projets et de programmes (éventuellement au travers de projets REDD+), des fonds des budgets des Collectivités Territoriales Décentralisées, du PNIA (Programme National d’Investissement Agricole).
[1] L’Œil Du Sahel édition du vendredi 19 juin 2020.